A propos de l’action des FEMEN à Notre-Dame de Paris le 14 février 2013

Article de Caroline Fourest- Huffington Post

(…) « La laïcité consiste à respecter un cadre respectant la liberté de croire ou de ne pas croire au nom de la liberté de conscience. FEMEN est un mouvement anti-religieux, qui — comme Charlie Hebdo — ferraille contre le fait de croire à des dogmes, des religions, ou à des superstitions. Quitte à blasphémer, provoquer ou choquer. Leur liberté de ton et de critique de ces idéologies fait partie de cette liberté d’expression nécessaire dans une démocratie réellement sécularisée, surtout si elle souhaite le rester.

À voir le déluge de réactions outrées, voire de vierges effarouchées, qui pleut à droite comme à gauche, on se dit que cet esprit frondeur reste décidément nécessaire, même dans notre pays. On a le droit de ne pas juger cette action utile, mais faut-il aller jusqu’à plaindre les « catholiques pouvant se sentir offensés »? Ou pire, jusqu’à insulter les FEMEN comme des « poufiasses » devant quitter la France après leur sacrilège !

De quoi parle-t-on exactement ? D’un attentat ? Ou de huit féministes entrant dans une Eglise, comme l’ont fait jadis les militantes du MLF pour protester contre le mariage (autre époque…), seins nus (comme le Christ…), en vue de sonner des cloches en or (fort belles) qui trônaient dans la nef de Notre-Dame… Une Eglise en principe ouverte à tous, et non seulement aux catholiques. Pour ne pas abîmer, les cloches, les FEMEN ont pris soin d’envelopper leurs marteaux de mousse noire. Le service de sécurité de Notre-Dame a pris moins de gants lorsqu’il a éteint les lumières pour tabasser les filles à l’abri des caméras…

Leurs slogans — « Au revoir Benoît » ou « Pope No more » — ne sont pas plus agressifs que ceux déversés dans les rues, depuis des mois, par les troupes de Frigide Barjot, de Christine Boutin, et de l’Eglise… qui veut bien se mêler de la vie des gens, et même parfois de leur lit, mais pas qu’on se pique d’avoir un avis sur le pape.

La révérence se mérite. Le respect aussi. En ne respectant pas l’égalité de tous les citoyens, et même en déversant toute sa rage sur certains, depuis des siécles, l’Eglise a semé la colère… De féministes qui sont venus lui sonner les cloches. La belle affaire. Et comme on se choque de peu en 2013 ! Mon avis est donc clair.

Nous avons plus que jamais besoin de blasphémateurs. Qu’ils se nomment Charlie Hebdo, Taslima Nasreen ou FEMEN. On a le droit de les trouver excessifs et de craindre les foudres qu’ils vont susciter, de ne pas avoir leur courage, mais pas d’aller jusqu’à hurler avec les loups qui ne manqueront pas de se déchainer.

Car nous avons besoin d’eux. De leur irrévérence et de leurs offenses. Pour équilibrer et contreblancer les fanatiques. Qu’ils soient musulmans, juifs ou catholiques. Sans eux, le respect de la liberté religieuse et non de la liberté de conscience serait le juste milieu. Sans eux, la laïcité ne serait plus un « juste milieu ». Mais une provocation… de trop. »