Le Désarroi de l’Enfant de Chœur

Quand le roman rencontre l’actualité…

Paul était le « préféré » du prêtre

Le désarroi, Paul l’éprouvera longtemps. Lui si heureux, si fier d’être scout et enfant de chœur, il ne sera plus rien. Comme tous les garçons de sa paroisse, il est sous l’emprise totale d’un prêtre charismatique. Pour son malheur, Paul est le « préféré ». Trente ans plus tard, Paul se souvient de son enfance spoliée.

L’emprise ce pourrait être le sujet de ce livre. Personne ne peut croire que cet homme si charismatique soumet un jeune garçon à ses pulsions féroces. La hiérarchie catholique pour sa part s’obstine à étouffer cette “affaire”.

Trente ans plus tard, Paul se souvient et comprend qu’il doit agir, il ne peut laisser les autres victimes s’exposer seules, il est des leurs.

Après un temps d’incrédulité, sa mère finira par le soutenir et plus encore, un jeune séminariste, témoin d’une de ces scènes d’abus sexuels. Son ami Vladimir, scout comme lui et toujours à ses côtés, sera pour finir son avocat et son défenseur, pétillant d’idées et d’humour.

Ce livre est une œuvre romanesque, construite à partir de témoignages de personnes abusées dans leur enfance. Comme l’a dit un prêtre psychothérapeute, “on entend les victimes mais on ne les écoute pas”. Le Désarroi de l’Enfant de Chœur se place à la hauteur  d’un enfant, confiant puis terriblement violenté. Son histoire est celle d’un enfer quotidien, qui l’emprisonne et le marquera à jamais.

Elisabeth Motsch et Pierre Josse

Avec Pierre Josse, librairie les Guetteurs de vent

Critiques

Extrait : « Toutes les situations sont dépeintes avec pudeur et retenue, sans aucun voyeurisme. Elles ne constituent nullement l’essentiel du livre…juste quelques lignes. Non, l’essentiel se trouve dans les réactions – qui évoluent avec le temps – de Paul, de ses parents, de ses copains, des amis bon chic bon genre de la famille, ces amis presque intégristes, mais aussi, les réactions de la hiérarchie du clergé, et de jeunes séminaristes qui risqueront toute leur vie religieuse pour dénoncer les actes du prêtre. »

Ce livre est poignant, il heurte et dépeint une réalité des plus abjectes. Une écriture fluide et une narration sans redondance. Un sujet d’utilité publique : la protection des enfants et des victimes. Aujourd’hui encore, trop d’enfants souffrent, sont victimes de la perversité de certains adultes…

     Paul est un enfant souriant, plein de vie, attiré par le scoutisme, hâte de faire sa communion. D’une famille pratiquante, il est régulièrement en présence du père Ménager. Celui-ci mettra en place un stratagème pervers pour se faire passer auprès de la communauté pour la personne la plus humble, serviable et honnête. Il a une véritable aura envers les enfants qui sont fascinés par son autorité naturelle. Il y aura des enfants qui auront vu juste dans le comportement de ce père, prévenant Paul qu’il est « trop » apprécié du prêtre. Paul se souvient de cette époque une fois adulte, de grands pans de mémoire s’en sont allés, mais demeure ce sentiment froid dont il ne parvient à se détacher une fois adulte.

    Les premières pages du livre mettent le lecteur directement dans le bain. Les mots s’enchaînent, les horreurs également. Les sévices qu’a subis Paul, ce dégoût parfaitement légitime. Non, le lecteur n’est pas épargné. On ressent de la colère, de la tristesse, de l’incompréhension. Certains passages m’ont donné des hauts le cœur, mais ils sont nécessaires à la lecture de ce livre. Il est d’ailleurs d’actualité maintenant que les scandales sexuels autour de l’Église sortent dans les médias et que les victimes parviennent à prendre la parole, témoigner des horreurs subies.

    L’écriture est juste, Elisabeth Motsch déploie une grande sensibilité dans ce livre. Les mots ne sont pas dans l’exagération ou le sensationnel. Les faits sont relatés avec une réalité douloureuse. On se sent petit face à tant d’horreur. Elle arrive à nous faire comprendre les mécanismes entourant l’emprise mise en place par le père Ménager pour profiter de sa proie. Les mots chuchotés, les gestes déplacés, et l’incapacité pour cet enfant de réagir.

    Et ce moment où les faits se savent, où on essaye de protéger davantage l’Église que l’enfant. Sous prétexte que l’Église apprend à pardonner au pêcheur ? Une colère gronde en moi au souvenir de ces passages où Sylvie, la mère de Paul, tente de faire comprendre que la victime, c’est Paul et pas cet homme d’Eglise qui profite de l’innocence des enfants. Les regards de travers de la communauté, la solitude, mais la force de cette mère qui croit et protège comme elle peut son fils, allant jusqu’à demander une audience à l’évêque. Et ces dialogues qui hérissent les poils et l’âme lorsqu’il faut trouver une « solution pour ne pas faire de vague« …

    Dans cette épreuve, Paul rencontre Martin, un séminariste qui sera témoin d’une scène abjecte et le soutiendra. Et Vladimir, un personnage haut en couleur, que j’apprécie énormément pour son humour et son amitié envers Paul. Il sera là dans le camp scout, lors du service à la messe, et une fois adulte épaulant Paul. 
    Le thème de la foi est important dans le livre. On ne tombe pas dans des préjugés religieux, il y a d’ailleurs plus de respect face à la religion dont on arrive à dissocier les hommes. 
    Le livre nous fait rentrer dans le mécanisme du bourreau et la souffrance de la victime. Malgré la difficulté du sujet, ce livre a été une belle lecture.

La pédophilie dans l’Eglise catholique

Le roman Le Désarroi de l’Enfant de Chœur paraît au moment où sort Grâce à Dieu, de Ozon, sur nos écrans belges ce 3 avril et en pleines turbulences de la condamnation du cardinal Barbarin. Elisabeth Motsch, qui a créé la nouvelle maison d’édition Le Chant des Voyelles, raconte le parcours douloureux d’un enfant de chœur pris dans les mailles du filet d’un prédateur à l’ombre de la sacristie. C’est écrit au scalpel. L’Eglise y passe maître dans l’art de la dissimulation. DZ.